dimanche 16 septembre 2012

Chapitre sixième

Suite des bonheurs de la fonction publique européenne

Candide, grâce au team building, avait fait des rencontres. Côtoyant ses collègues, bien sûr, il avait appris à les connaître, à les comprendre, « à les respecter en restant lui-même » ; mais le samedi soir, lors du team dancing, en s'ouvrant à l'altérité, et surtout au métissage, c'est-à-dire en se mêlant à la foule, il avait fait l'admiration, par sa manière de danser, d'une brésilienne d'origine allemande, Cunegondão Drei-und-sechzig, qui aimait beaucoup l'Europe.
Elle travaillait ici, justement, à Bruxelles, où par l'ONG pour laquelle elle œuvrait, The Only Way, elle avait été détachée. Elle entendait lutter, férocement, face à tout ce qui dans le monde, s'opposait aux valeurs humanistes, mais également féministes – elle luttait contre tous les obscurantistes. Et c'est naturellement que nos deux âmes, se découvrant à l'occasion d'une danse, une danse vraiment humaine, c'est-à-dire une danse ouverte à l'autre, une danse universelle, où l'homme et la femme s'accordaient, s'étaient immédiatement aimés. Il s'étaient aimés d'un amour vrai, un amour juste, un amour qui respectait les droits de l'homme.
Leur aventure, qui était si intense, dura dix jours.

Candide, quoi qu'il en soit, travaillait : il s'y était engagé : il s'y investissait ; et si en premier lieu, c'était l'argent qui le motivait (car il était un homme normal, qui maximisait son utilité), très sérieusement, il traitait ses dossiers.
Le service dans lequel il œuvrait, nous l'avons vu, vérifiait le respect, dans les frontières de l'Union, des principes de la concurrence libre et non faussée. Mais en réalité, pour chaque marché, pour chaque produit, il ne suivait les choses que de loin : son équipe était dévolue, en effet, au « contrôle des aides d’État », si bien que notre homme, au quotidien, vérifiait que partout en Europe, que ce fût en Allemagne, aux Pays-Bas, en Espagne ou en Grèce, les marchés n'étaient pas biaisés, qu'ils étaient ouverts à l'étranger, et que par voie de fait, ils permettaient la libre formation des prix – seul principe qui assure, sur Terre, le bien-être des populations.
Il avait pu déceler, ainsi, que le marché des prises électriques, en Autriche, était faussé par l’État, qui intervenait, de même que le marché des carafes d'eau, au Portugal, ou des couverts en plastique, en Irlande : il avait mis à jour des dysfonctionnements, des facteurs de sous-optimalité, qui sans exception, nuisaient au consommateur, et parfois même, fleuraient le protectionnisme – ce qui bien sûr, rappelait les années 30.
En général, il suffisait d'un rapide rapport, mais d'un rapport étayé, c'est-à-dire un rapport factuel, précis, chiffré, et des remontrances qui l'accompagnaient, pour faire plier les autorités ; mais il arrivait que lesdites autorités, justement, refusassent d'obéir aux injonctions, ou plus simplement, fissent la sourde oreille. Candide, ainsi, avait relevé que la sidérurgie française, et notamment le premier de ses groupes, Machinor, était soutenue par des crédits exceptionnels, des crédits publics, des crédits étatiques, et l'apprenant, furieux, il s'était confié à lui-même :
« C'est tout de même fou !... au XXIe siècle !... Mais les responsables politiques, en France, ne savent-ils pas que c'est ce genre de mesures, précisément ce genre de mesures, qui ont mené au nazisme ?... – Vraiment, je suis consterné... je suis écœuré... car ce qu'ils font est dangereux !... ils jouent avec le feu !... – Heureusement que moi qui suis sérieux, je ne suis pas prêt à les défendre !... Car je suis un citoyen du monde ! »
Candide, qui aimait la liberté, qui critiquait l'action de la police, et qui ne comprenait pas l'acharnement des États, en Europe, à réprimer la consommation du haschich, concernant les directives européennes, et surtout leur application, était intransigeant : ne pas les respecter, c'était « mettre en danger la communauté » ; ainsi avait-il mis un zèle particulier, dès qu'il avait découvert ce fait, l'aide de la France, à en explorer les détails, afin d'alimenter sa note de service, et de la rendre indiscutable, évidente, accablante, ce qui fatalement, mènerait à des sanctions (Candide, qui aimait que pour les voleurs, la justice fût clémente, dans ce genre de situation, aimait beaucoup les sanctions).
Quoi qu'il en soit, pimpant, fringuant, mais un brin énervé (car ces dérives fascistes, tout de même, étaient inacceptables !), il avait rédigé sa note, une note sérieuse, une note profonde, une note sincèrement européenne, et qu'il avait remise à son supérieur, Stijn van der Kloot, qui l'en avait félicité :
« Congratulations, Candide! You did a good work! » lui avait-il alors dit, ajoutant même, de façon accorte, mais sans trop de familiarités (car dans la Commission, le maître mot était « self-control ») : « You know, Candide, basically, it's precisely what you're paid for! »
Candide, bien entendu, l'avait pris comme un compliment, et à compter de cette heure, la note étant prête, la machine européenne s'était mise en action : la note fut expédiée aux services intéressés, en France, et à compter de cette heure, on attendit.
On attendit deux jours, mais nulle réponse.
On attendait dix jours, mais nulle réponse.
On attendit un mois, mais nulle réponse.
Vraiment, on avait bien attendu ! Et comme on avait bien attendu, on relança. Et comme on avait relancé, on attendit.
On attendit deux jours, mais nulle réponse.
On attendait dix jours, mais nulle réponse.
On attendit un mois, mais nulle réponse.
La grande machine européenne, décidément, était d'une puissance remarquable !
Toujours est-il que les autorités françaises, manifestement, faisaient la sourde oreille, et c'est ainsi qu'enfin, oui, enfin – car impatiemment, Candide l'attendait, – des menaces de sanctions furent émises.
Cette fois, la réponse fut immédiate, mais agitant la France, elle ne vint pas des politiques, ni des services administratifs : elle vint des syndicats, des ouvriers, mais également des médias, qui en avaient été informés, et qui s'en passionnaient.
La DG Concurrence, où Candide œuvrait, et plus généralement la Commission, aimaient les « fuites contrôlées », ces informations relayées dans la presse, subtilement, par un individu qui savait, ce qui permettait d'exposer, mais finement, brièvement, les services concernés, et de manière implicite, d'en vanter les mérites ; seulement cette fois, l'exposition était plus large, plus vaste, plus étendue, si bien que l'affaire, qui avait été engagée soigneusement, pourtant, du côté de Bruxelles, se déplaça vers la France.
Candide, ainsi, fut missionné par la Commission : il lui fallut se rendre en Lorraine (une région que du reste, il ne connaissait que de nom – par ses quiches), où il put retrouver, pêle-mêle, des politiques, des syndicalistes, des journalistes, mais également des responsables européens, qu'il épaulait – et accessoirement des ouvriers, qui y travaillaient. Les syndicats, naturellement, avaient d'abord haussé le ton, en dénonçant « des mesures antisociales », « des mesures rétrogrades », « des mesures de droite », qui en sous-main, « étaient soutenues par le gouvernement ». En effet, ils se déclaraient tous « profondément européens », si bien que les malheurs, ces malheurs, forcément, venaient principalement de la majorité au pouvoir. Ladite majorité, au demeurant, n'était pas restée muette : elle avait dénoncé un secteur « incapable de se réformer » : c'était un secteur « lourd », un secteur « coûteux », qui n'avait pas encore « accepté les enjeux de la mondialisation ». Quant aux médias, ils avaient relayé les propos des uns et des autres – ils avaient évité toute analyse, préférant « informer en toute objectivité ».
Dirigeants et syndicalistes, et bien sûr actionnaires, conjointement avec les politiques, ainsi qu'avec les responsables européens, s'étaient alors rencontrés, afin de discuter. Pendant au moins un quart d'heure, ils avaient eu de vives passes d'armes : ils avaient échangé ; il s'étaient opposés. Et en définitive, en échange d'un kilo d'acier par employé, ainsi que de deux tickets restaurant par ouvrier, d'une valeur unitaire de 4,50 € (choses qui leur permettraient certainement, au moins partiellement, de rembourser les aides qu'ils avaient perçues), les syndicats, suivant leurs mots, avaient « entendu raison » : en effet, s'ils avaient fustigé la droite, car elle était autoritaire, et même sectaire, ils l'avaient reconnu, et ils l'avaient même rappelé, à nouveau : il ne fallait pas compromettre l'avenir de l'Europe sociale !
Candide, naturellement, s'était montré fier, très fier, extraordinairement fier de l'issue : il avait observé qu'entre personnes instruites, on pouvait s'écouter, et s'accorder. Mais alors que nonchalamment, il marchait vers le véhicule qui, l'ayant amené ici cette après-midi, devait le rapatrier vers Bruxelles ce soir, un ouvrier l'avait alpagué, et lui avait demandé :
« Mais... Monsieur, vous êtes pourtant français ?... pourquoi faites-vous ça ?... Vous savez bien que tous, absolument tous, nous allons finir ruinés ?... et que l'usine, cette usine ne pouvant survivre, nous allons perdre notre emploi ?... 
Par-don ? lui avait répondu Candide, outré, en détachant les syllabes, afin de mieux souligner que les mots de cet homme, franchement, étaient déplacés.
– Eh bien... je pensais qu'étant français... vous... nous défendriez ?... »
Candide, singulièrement, était écœuré : ces mots, qui supposaient l'existence de frontières, de nations, voire de communautés de destin, respiraient le fascisme. Sans compter que... la situation qu'il semblait défendre, le statu quo, n'était pas Pareto-optimale !... Quel fou !... Quel ignorant !... On sentait bien que cet homme, dans sa vie, n'avait jamais suivi de cours d'économie !... Mais pire, il avait le droit de vote, et librement, il pouvait s'exprimer !... – Candide, lui qui était démocrate, s'il en eût eu le pouvoir, l'eût fait enfermer.
Notons toutefois qu'à Polytechnique, à l'ENA, et surtout à la Commission, il avait appris à se modérer : il savait se tempérer : ils savait se contrôler ; si bien qu'en bon fonctionnaire européen, alors, il avait gardé son maintien, et froidement, sèchement, il s'était expliqué :
« Voyez-vous, nous ne sommes pas là pour faire de catégories, pour séparer les individus : si les Chinois ou les Indiens, aujourd'hui, sont plus compétitifs que les Français, nous ne pouvons les en blâmer ! Aussi devez-vous voir notre intervention, celle de la Commission, comme un stimulant : car tout d'abord, cela permettra au secteur, en France, de se réformer ; et à terme, cela fera baisser les prix, forcément, si bien qu'en tant que consommateurs, vous y serez tous gagnants !
– Mais... comment ferons-nous pour consommer, si nous sommes au chômage ?...
– Le chômage !... le chômage !... comme si c'était une fatalité !... Franchement, nous ne sommes pas là pour vous mettre des bâtons dans les roues : nous veillons simplement, à la Commission, à l'efficacité des marchés, qui est garantie par des directives que du reste, vos représentants européens ont votées. »
Les esprits, face à Candide, avaient commencé à s'échauffer, car aux côtés de l'ouvrier qui l'instant d'avant, avait interpellé le fonctionnaire européen, un deuxième ouvrier, puis un troisième, puis un quatrième, s'étaient arrêtés, l'écoutaient, et semblaient ne pas accepter ce que néanmoins, on enseignait dans les Grandes Écoles, et qui par conséquent, était forcément vrai (en effet, si cela eût été faux, puisque les écoles étaient en concurrence, les élèves, maximisant leur intérêt, auraient rejoint d'autres écoles, et les Grandes Écoles, par voie de fait, n'eussent plus été de Grandes Écoles – cela était si évident que Candide, souvent, se demandait comment certains, aujourd'hui encore, pouvaient soutenir le contraire).
Un responsable de la Commission, Miguel Martin-Smith, qui était américano-franco-espagnol, qui venait d'avoir les oreillons, et avec qui Candide, depuis Bruxelles, s'était rendu jusqu'ici, l'avait alors aperçu, devisant, et sachant qu'il fallait éviter, au maximum, les contacts avec la population, il avait voulu le soustraire aux échanges auxquels, depuis une minute, il avait pris part ; dans cette optique, il s'était dirigé vers lui, mais Candide, le bon Candide, lui qui intérieurement, était ulcéré par ses contradicteurs, qui avaient des idées dangereuses, des idées moisies, des idées d'un autre âge, avait poursuivi ses propos :
« Vraiment, j'ai de la peine à vous comprendre... Regardez donc ce qui vous entoure !... le monde bouge !... il ne faut pas être en retard ! il faut aller de l'avant !... Si tous ensemble, en France, vous acceptiez des baisses de salaire, l'industrie pourrait se relancer !... car votre compétitivité-coût augmenterait !… et les entreprises, de la sorte, pourraient gagner des parts de marché !… Malheureusement, il semble que dans vos esprits, vous vous accrochiez à des rêves... des rêves stupides... des rêves désuets... Vous êtes décidément... passéistes !... »
Candide, à cet instant, avait réalisé qu'il en avait dit trop – mais il était trop tard : les travailleurs étaient énervés, et ils ne se privèrent pas de le lui montrer : ainsi fut-il houspillé, giflé, pincé, fessé, avant de recevoir des coups de botte au derrière, ce qui l'avait fait tomber. Miguel Martin-Smith, qui venait d'arriver à ses côtés, parvint à lui saisir le bras, à le relever, et tenta de l'exfiltrer, mais Candide, dans un réflexe d'indignation, se récria face à cette intervention :
« Mais je faisais de la pédagogie ! » s'était-il exclamé.
Miguel lui fit toutefois entendre, d'un regard, qu'ils était menacés, et que leurs contradicteurs, semblait-il, étaient bien peu enclins à discuter ; Candide finit par l'accepter, et l'ensemble des responsables européens présents, sentant que la tension montait (malgré les tentatives d'apaisement des syndicats, qui rappelaient aux ouvriers à quel point, vraiment, ils s'étaient démenés pour eux), rejoignirent en courant les véhicules, qui les attendant à deux pas de là, leur permirent de se réfugier, mais surtout de fuir, et dès lors de préserver leur intégrité physique.
Dans l'un desdits véhicules, une berline, une belle berline aux couleurs de l'Europe, avec de belles étoiles, Miguel, qui avait compris que Candide, d'une manière ou d'une autre, s'était trouvé à l'origine des violences, lui avait rappelé les recommandations d'usage, doucement, et gentiment, comme s'il se fût adressé à un enfant :
« Candide, si tu l'avais oublié, souviens-t'en désormais : en aucun cas, strictement en aucun cas, nous ne devons pas adresser la parole à ces gens ! – nous sommes des techniciens, pas des négociateurs !
– Mais... comme je vous le disais, je faisais de la pédagogie !
La pédagogie est une bonne chose, Candide, tu as raison, mais pour produire ses effets, elle doit être progressive, et circonstanciée ; tes mots, je l'imagine, n'étaient pas adaptés ! »
Candide, un instant, s'était alors figé : il avait cessé de parler : il s'interrogeait ; et lui qui était si vif, car il était sorti de Polytechnique, quatre secondes après, son regard s'était illuminé, et s'adressant à Miguel, il s'était exclamé :
« Ah, d'accord !... je comprends mieux !... C'est que... discutant avec ces ouvriers, je n'avais pas bien calculé leurs courbes d'indifférence !... »

Une poignée d'heures plus tard, Candide était à Bruxelles. Il avait compris que ce jour, tout n'avait pas fonctionné parfaitement, divinement, comme il l'avait espéré. Mais songeant à ces travailleurs, songeant à ces travailleurs à nouveau, il s'était rassuré : il n'avait pas à s'en formaliser : de toute façon, ces gens, il le savait, étaient indéfendables, car ils étaient pire qu'intolérants : ils étaient racistes !... les salauds !... et comble des combles, ils n'étaient pas modernes !... car s'adressant à lui, ils ne s'étaient pas exprimés en anglais !...
Notre homme, ce jour, ainsi, avait connu des écueils, mais malgré les tracas qu'en lui, ils avaient causés, le bilan de ce déplacement, finalement, était globalement positif : les recommandations qu'il avait émises, en effet, avaient été acceptées ; si bien que Candide, le sentiment du devoir accompli, s'en serait bien allé nager, alors, dans une piscine appropriée, c'est-à-dire une piscine sympathique, une piscine ludique, avec des toboggans, des échelles mobiles, et surtout de la mousse, oui, beaucoup de mousse, mais ce genre de choses, malheureusement, n'était pas prisé par la Commission : seulement par le Parlement européen. Ainsi dut-il se rabattre, en cette fin de journée, sur l'un des bars du Berlaymont, qu'il affectionnait, et où s'accoudant au comptoir, un long comptoir, un large comptoir, qui était fait de cuivre, et qui rutilait, il commanda sa boisson préférée : un Smirnoff Ice – une boisson qui « poutrait sévère », suivant ses mots.
Il avait entamé de la siroter, quand se retournant, il s'aperçut qu'à une table, à cinq ou dix mètres, deux personnes qu'il aimait, qu'il aimait sincèrement, Messieurs Pan et Gloss, étaient paisiblement assis, et discutaient.
Il s'était dirigé vers eux, avec bonheur, avec ferveur, et une larme au coin de l’œil, il s'était exclamé en les regardant :
« Mes maîtres, mes bons maîtres, je suis si heureux de vous voir !... Mais comment allez-vous ?...
– Candide !... s'était exclamé Pan, enchanté, cela nous fait également plaisir , extraordinairement plaisir de te voir ! Pour répondre à ta question, comme d'habitude, nous nous portons au mieux. Vois-tu, nous travaillons actuellement, l'un et l'autre, pour un lobby, et...
– Un lobby ?!?... avait interrogé Candide, étonné, coupant ainsi l'élan de son maître. Un lobby ?... Mais qu'est-ce donc ?...
– Eh bien... c'est un organisme privé, qui est chargé par une entreprise, par un groupe d'entreprises, ou par l'ensemble d'un secteur économique, de défendre ses intérêts ici, au quotidien, auprès de la Commission, afin que les lois édictées, in fine, favorisent l'efficacité. Vois-tu ce verre, Candide ? Et sais-tu ce qu'il contient ? »
Le professeur Pan, tenant son verre à pied, où logeait du rosé, l'avait tendu en direction de notre homme, qui l'observant, avait immédiatement répondu :
« Bien sûr !... C'est un Smirnoff Ice à la grenadine !... »
Le professeur, naturellement, l'avait corrigé :
« En fait, il s'agit d'un verre de rosé... Mais venons-en à mes activités : traditionnellement, pour faire du rosé, justement, il faut laisser fermenter un moût de raisins noirs, mais à jus blanc ; eh bien j'ai été mandaté, récemment, pour défendre une idée, très belle idée : celle de pouvoir produire – et surtout vendre – du rosé qui ne serait pas réalisé ainsi, mais plus simplement, en mélangeant du rouge et du blanc.
– Mais c'est une idée nouvelle, mon maître ! Cela a l'air passionnant !
– C'est en effet passionnant, je le reconnais, mais si tu le veux bien, Candide, poursuivons avec les faits... World Wine Weld, le lobby qui m'a engagé, il y a un mois, pour réaliser les études de marché (car étant économiste, je sais calculer des lagrangiens, et je sais donc parfaitement comment fonctionne un marché), m'a indiqué qu'en la matière, la tâche serait aisée ; en effet, ne le répète pas, Candide, mais la personne en charge du dossier, du côté de la Commission européenne, bientôt, sera recrutée par ledit lobby, si bien que cela devrait, disons... nettement faciliter les choses !...
– Mais dans cette affaire, il y a... comme un conflit d'intérêt ?... avait interrogé Candide, naïvement.
– Peut-être, mais c'est le jeu du marché !... C'est la concurrence libre et non faussée !... En effet, les entreprises, pour augmenter leurs parts de marché, doivent défendre leurs intérêts, et chacune agissant ainsi, automatiquement, la théorie l'a prouvé, la situation qui en résulte maximise le bien-être de la communauté.
– Ah, je comprends !... s'était enthousiasmé Candide. Vous participez donc, d'une certaine manière, à l'amélioration du marché, à la diminution... de ses frictions ?...
– Exactement ! avait surgi Monsieur Gloss, qui jusqu'ici, avait été silencieux. De mon côté, d'ailleurs, je travaille pour un lobby de banques, qui voudraient augmenter leur effet de levier, tout en alignant leurs standards de risque sur ceux du Bangladesh, afin d'y délocaliser des activités qui, en particulier en France, en raison du coût du travail, génèrent des rendements trop limités à leur goût. Eh bien sachant que les Bengladais, les Indiens, les Chinois ou les Français, tous, rigoureusement tous, se comportent de la même manière, et sont donc interchangeables, dans la mesure où l'homme, nous le savons, est partout le même, ils sauront accomplir, c'est une évidence, les mêmes tâches, de la même façon, à la même vitesse, sans nuire à l'efficacité du secteur – penser le contraire, en effet, serait profondément raciste. Par voie de fait, je n'ai nul doute sur l'issue de l'affaire : ces banques, in fine, obtiendront gain de cause. »
Candide, singulièrement, avait été impressionné par la clairvoyance de ses maîtres, et il s'était dit une fois plus, ce jour, que malgré son expérience – malgré ce que déjà, depuis la fin de ses cours, il avait pu apprendre en étant à l’œuvre, dans le public ou dans le privé, – il s'était dit une fois de plus, donc, que de ces individus si brillants, si sérieux, si profonds, il avait encore, semblait-il, beaucoup à apprendre !

Mais il avait poursuivi son chemin. Et il avait poursuivi son travail. Car les jours suivants, il n'avait pas chômé : il s'était escrimé : il s'était acharné. Mais toujours, il s'était enthousiasmé. Car son travail, somme toute, était pragmatique : il n'était pas idéologique – il contribuait à améliorer, au quotidien, le bien-être des Européens.
En effet, on ne comptait plus le nombre, dans les dernières années, des interventions salutaires de la Commission, en particulier dans la suppression des monopoles, qui n'étaient pas efficients, ou dans le contrôle des aides d’État, qui étaient si dangereuses – car elles rappelaient les principes du IIIe Reich, si bien qu'aider une entreprise, c'était risquer, pêle-mêle, de déclencher une guerre mondiale, de provoquer un génocide, ou de revenir sur la parité homme-femme. Du reste, la politique de la Commission, contrairement à celle de la France, n'était pas immobile : elle était adaptative ; si bien qu'à la DG Concurrence, où œuvraient environ quatre cents personnes, sérieuses, dévouées, qui travaillaient de façon désintéressée, en harmonie avec la modernisation du droit communautaire, celui de la concurrence, justement, l'on avait pu parvenir, chose importante, au décloisonnement des marchés nationaux, qui s'était accompagné d'une baisse des prix, d'une extension de la gamme des produits, mais également d'une amélioration significative de leurs performances – tous bonheurs dont bien sûr, en Europe, les consommateurs avaient été les premiers bénéficiaires. Dorénavant, la nécessité d'une politique de concurrence, sur le vieux continent, ne se discutait plus ! – sauf chez les nostalgiques de Hitler, peut-être.

Quoi qu'il en soit, Candide, au Berlaymont, avait de quoi s'occuper. Et il s'en exaltait ! Mais prochainement, une échéance interviendrait, une échéance politique, et qui déjà, agitait la communauté européenne ; cette échéance, c'était le vote référendaire, en France, prévu le 29 mai 2005, au sujet d'une initiative superbe, brillante, et même héroïque : le Traité établissant une Constitution pour l'Europe.
Le 20 février, peu avant son arrivée, l'Espagne avait déjà nettement, de façon démocratique – c'est-à-dire sans pression médiatique, – et avec enthousiasme, ratifié ce si beau projet : 77 % des votants, ce jour, bravant la faible abstention, qui n'atteignit que 58 %, s'étaient déclarés pour ; et sans trop tarder, on le savait, les autres pays les imiteraient : les Pays-Bas, le 1er juin, plébisciteraient le texte ; le Luxembourg, le 10 juillet, l'encenserait ; et l'Irlande – même si la date, la concernant, n'était pas encore fixée, – bientôt, le glorifierait : tous, ils embrasseraient ce si beau projet, qui était si rationnel !
Mais pour le moment, le cas de la France, seul le cas le France occupait, car cette victoire de la démocratie qui s'annonçait, aux quatre coins de l'Europe, c'est-à-dire dans les quatre pays où la population voterait, cette victoire de la démocratie qui s'annonçait, donc, pour résonner dans l'éternité, devait sortir de l'ordinaire, et pour ce faire, il fallait qu'en France, ce fût plus qu'une victoire : il fallait que le Oui triomphât ; en effet, ainsi que tout énarque, Candide le savait : le Oui l'emporterait ; mais pour que l'Europe en sortît grandie, pour qu'elle en resplendît, il devait l'emporter nettement, comme en Espagne, que la ferveur avait assaillie ; ainsi, la liberté triompherait sur le continent, et les marchés y réagiraient positivement.
Le texte – celui sur lequel les Français, d'ici trois mois, auraient à se prononcer, – bien sûr, était d'une immense beauté : il avait été rédigé par un grand écrivain,Valéry Giscard d'Estaing ; et Candide, lui qui de longue date, admirait cet homme, s'en était réjoui. Mais Candide, plus que ses contemporains, était engagé : aussi avait-il lu le texte, dans ses moindres détails, dans ses moindres articles, dans ses moindres alinéas : il entendait en goûter l'essence ; il s'y abreuva ; il s'en imprégna ; et singulièrement, cela l'exalta.
Ce beau traité, comme tous les textes de l'Europe, commençait sérieusement ; en effet, ses premiers mots étaient les suivants : « SA MAJESTÉ LE ROI DES BELGES ». Cela lui donnait de la crédibilité.
Mais Candide, qui était pourtant observateur, ne l'avait pas noté : lui qui était fougueux, lui qui était passionné, il s'en était allé, sans tarder, au cœur du sujet.
Il avait lu la partie I, et dès l'article I-2, il s'était enthousiasmé : « L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme […]. »
« Bravo ! Bravo ! » s'était-il alors dit, ajoutant pour lui seul : « Les droits de l'homme, il est vrai, sont le fondement de toute société ! »
L'article I-3, encore, l'avait singulièrement requis, notamment l'alinéa 2 : « L'Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée ».
Ces mots étaient décidément parfaits : il palpitait en lisant ces phrases ! Et même, il en vibrait !... il en tremblait !... il en défaillait !...
Et de longues heures durant, il avait lu ce texte, qui l'avait passionné : il avait lu les quatre parties, qui chacune, l'avaient emporté, au point que les ayant terminées, il décida de relire l'ensemble, d'une traite, pour mieux l'apprécier. Et il l'apprécia. Cela le réchauffa. Cela l'embrasa. C'est que ce beau traité, il le voyait, était un plaidoyer pour les valeurs de progrès !...
Lui qui lisait beaucoup, mais qui contrairement à la majorité, lisait des choses sérieuses (encore dernièrement, il avait lu un livre d'Alain Duhamel), il trouva néanmoins le temps, chaque semaine avant le vote, de relire ce beau texte. Et chaque fois, dans chaque partie, dans chaque titre, dans chaque article, il y goûta à nouveau ce qui, dès le premier jour, au sujet de l'Europe, l'avait profondément touché : ce sentiment de démocratie, de liberté, et d'indépendance des banques centrales.
Mais revenons un peu en arrière : après le vote de l'Espagne, qui sans nul doute, avait été un franc succès, en France, on s'attendait à un raz-de-marée. C'est que pour l'heure, au pays des droits de l'homme, les sondages étaient favorables, et même très favorables ! La fin du mois de février approchait, et si les chiffres, jusqu'ici, avaient un peu fluctué, les 60 % de Oui, à un rien près, avaient toujours été dépassés ! Cela augurait le meilleur, pour le 29 mai, et naturellement, Candide s'en réjouissait ! Il s'en réjouissait d'autant plus que dans son esprit, le Oui était sous-estimé. En effet, le 28 février, à Versailles, l'Assemblée réunie en congrès, à 91,70 %, avait adopté le projet de loi constitutionnelle préalable à la ratification du traité, et les représentants, par définition, représentant la population, cette dernière, forcément, voterait à 90 % pour ! C'était mathématique ! C'était donc vrai !
Les jours passaient, et les plaidoyers vibrants pour l'Europe, chaque semaine, égayaient la vie des Français : qu'il fussent de droite ou de gauche, ensemble, les politiques s'engageaient : ils se risquaient : ils mettaient en jeu leur métier ; et soutenus par les journalistes – qui dans l'affaire, n'étaient pas partisans, car ils étaient indépendants (grâce à leur ton insolent, ces « agitateurs d'idées », à n'en pas douter, étaient les vrais garants de la démocratie) – ils rappelaient la beauté de ce grand projet, l'Europe, qui permettait de limiter l'inflation.
Seulement, ces plaidoyers de droite ou gauche, qui pour Candide, étaient les seuls acceptables, étaient le fait de modérés ; car sur la scène politique, il y avait aussi des extrémistes, des ennemis de l'Europe : des gens qui n'étaient pas ouverts, qui étaient repliés, et qui pour des motifs de haine, face au progrès ou à l'étranger, défendaient le Non ; Candide, naturellement, les haïssait.
Parmi ces gens, on trouvait Philippe de Villiers, ce fasciste notoire, qui entendait défendre la souveraineté, c'est-à-dire l'indépendance de la France. Le fou !
Il y avait également Jean-Pierre Chevènement, cet ennemi de la démocratie, qui avait critiqué les guerres en Irak.
Mais il y avait pire, il y avait bien pire : il y avait le parti communiste français, ces dangereux collectivistes, et plus affreux, encore plus affreux, il y avait le Front national, ces adversaires de l'euro. – Dans cette « alliance rouge-brun », ainsi que l'avaient nommée Candide, notre homme, tout de même, était plus effrayé par le brun, la couleur du Front national, qui lui rappelait les chambres à gaz.
Jean-Marie Cavada, d'ailleurs, ce député européen si brillant, si fin, si pondéré, avait merveilleusement résumé les choses, expliquant que « ceux qui font la fine bouche devant la Constitution européenne devraient avoir en mémoire les photos d'Auschwitz ». Candide avait beaucoup aimé cette phrase, qui était si juste.
Mais malheureusement, le problème restait entier ; et chose désagréable, les semaines s'écoulant, les sondages, qui sont des études scientifiques, qui disent la vérité, semblaient moins favorables. Pourtant, si l'électeur votait Non, ce ne pouvait être que par ignorance ! Car l'Union européenne, tout de même, c'était une évidence, n'avait que des bienfaits !... En effet, tout ce qui en France, fonctionnait, était dû à l'Europe, et tout ce qui dans ce même pays, fonctionnait mal, était dû à l'absence de constitution ; il fallait donc voter OUI : il fallait voter OUI fervemment, et forcément, tout irait mieux en France – mais également dans le monde !
Chaque jour, alors qu'il se levait, pour se motiver, Candide emplissait ses poumons, et longuement, il prononçait d'ailleurs ce mot :
« OUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII !... »
Il le prononçait jusqu'à ce que, à bout de souffle, il dût reprendre sa respiration ; et deux minutes plus tard, il reprenait :
« OUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII !... »
Il attendait à nouveau, et une troisième fois, fervemment, il s'exclamait ainsi :
« OUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII !... »
Puis exténué, après avoir ahané, il se redressait. Et regardant par sa fenêtre, à l'horizon, le visage droit, la mine fière, la voix sûre, il déclinait son enthousiasme :
« OUI !... OUI !... OUIIII !... OUI !... OUIIIIIII !... OUIIII !... OUI !... OUI !... OUI !... OUI !... OUI !... OUI !... OUI ! ... OUI !... OUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII !...
Et à la fin des fins, il concluait par ses mots, en chantant, tel un supporteur de football :
« Allez-l'Eu-rope !... Allez-l'Eu-rope !... »

Candide, naturellement, en cette période, s'il était occupé au travail (l'Irlande, sur son territoire, était intervenue sur le marché de la brosse à dent, ce qu'il fallait sanctionner), prenait le temps, régulièrement, d'en discuter avec ses collègues, mais également avec des individus qui, issus des services adjacents, étaient heureux de voir en lui un Français, mais un Français normal, c'est-à-dire un homme qui aimait l'Union européenne, et qui maximisait son utilité. Après de brefs échanges au sujet du capital humain, ou de l'économie de la connaissance, ils convenaient sans varier que bien sûr, le Oui l'emporterait, car il serait inimaginable de nier la seule politique possible, et de revenir en arrière : ce serait effacer l'héritage des Lumières !
Mais notre homme, pour se convaincre que bien sûr, en France et en Europe, une large majorité voterait Oui, n'en était pas resté là : il avait organisé, pour l'ensemble de la DG Concurrence, un « sondage grandeur nature », qui bien évidemment, donnerait « un avant-goût des résultats ». Le scrutin avait été organisé un mardi, au début du mois de mars, et il y avait eu, dans l'ensemble des services, une large participation, illustrant qu'en ces lieux, on se sentait concerné, et même impliqué : on était conscient des réalités ; 85,3 % des personnes qui ce jour, travaillaient, avaient en effet voté. Mais cela n'était rien, absolument rien devant les résultats finaux, car après dépouillement, il s'avéra qu'en définitive... le Oui avait recueilli 100 % des suffrages exprimés !... 100 % !!! Pas même 98 %, ou 99 %, mais 100 % ! Oui, 100 % !!! C'était une belle victoire ! et même une superbe victoire ! Candide, les larmes aux yeux, avait alors entonné un chant, un beau chant, un grand chant, qu'il appréciait, et que tous en chœur, ses acolytes reprirent :
« Looooooong liiiiiiiiiiive Euroooooooope !... Looooooong liiiiiiiiiiive Euroooooooope !... »
Vraiment, cela lui avait réchauffé le cœur de noter qu'ici, une nouvelle fois, entre Européens, ils étaient tous d'accord !...
Et l'homme étant partout le même, Candide, naturellement, en conclut qu'en France, forcément, le Oui remporterait un triomphe ; les Pays-Bas suivraient ; et ce traité, ce si beau traité, serait ratifié !
Candide, qui était très heureux de ce qui s'annonçait, avait bien sûr fêté cela, le soir même, si bien qu'il s'était mis en danger : il avait bu trois Smirnoff Ice.

Trois jours plus tard, il apprit que l'ENA, son école, avait également organisé une « consultation démocratique », et que le Oui, dans ce cas précis, n'avait recueilli que 96 % des suffrages. Bien évidemment, il n'était pas mécontent que le Non, cette fois encore, eût été écrasé, mais tout de même ! 2 % des bulletins étaient blancs ou nuls, et surtout, 2 % avaient refusé cette constitution ! Il y en avait donc, dans son école, qui voulaient revenir sur la liberté de circulation des capitaux en Europe ? Les fous !...

Toujours est-il que malgré l'écueil, in fine, reprenant ses esprits, Candide s'était réjoui, une nouvelle fois, de la large victoire qui ici encore, s'annonçait. Et rassuré, il avait laissé le temps passer... Il avait attendu... Il s'était tu... Et il s'était détendu...
Il n'avait pas suivi les sondages, et encore moins les débats, qui forcément, ne pouvaient être intéressants : ils ne pouvaient qu'opposer l'intelligence à la bêtise, et l'avenir au passé ; il n'avait pas entendu parler du plombier polonais ; il n'avait entendu discuter des questions liées aux banques, et à la concurrence libre et non faussée ; pour la première fois, lui qui pourtant, était engagé, il n'avait que peu écouté ce qui, dans les derniers mois, avait pu se dire : car au-delà du fait qu'avec ce vote, les choses étaient courues d'avance, dans son travail, il avait eu des rushs : il avait été speedé : il avait été overbooké ; et le temps qu'il avait pu consacrer, partant, à ce si beau sujet, avait été occupé à lire les avis de personnages iconoclastes, mais également pragmatiques, des personnages qui une fois de plus, l'avaient fait « beaucoup réfléchir ». – Candide aimait beaucoup Michel Rocard, mais également Daniel Cohn-Bendit, le « héros de mai 68 », car il défendait la liberté, et même toutes les libertés.
Mais le jour était venu, le 29 mai, et Candide avait voté ; il s'était exprimé ; et les Français, majoritairement, ne l'avaient pas imité. Car si pour l'occasion, ils s'étaient déplacés – seuls 31 % d'entre eux s'abstenant, – à 55 %, le texte avait été rejeté ; Candide avait été consterné :
« Ce n'est pas possible !... Au XXIe siècle !... Au pays des droits de l'homme !... » s'était-il ainsi dit, une Smirnoff Ice à la main – car il avait espéré fêter, ce soir, une grande victoire des valeurs humanistes.
« Ce n'est pas possible !... Les Français sont donc arriérés !... Ils refusent le progrès !... »
Candide, sincèrement, était sidéré ; et même, il avait mal à la France.
Il avait d'autant plus mal que bientôt, à la suite des Français, les Néerlandais refuseraient le texte, si bien que l'Europe, comme l'exprimeraient les plus grands penseurs (notamment Alain Minc, ou même Jacques Attali), se trouverait « dans l'impasse ».
Mais heureusement, dans les États modernes, pour contenir la colère du peuple, qui cette fois encore, s'était exprimée, il y avait des garde-fous ; en effet, il suffisait de changer le nom du texte, et de le faire ratifier par le Parlement ; c'est ce qu'on fit.
Candide, par avance, put ainsi fêter une grande victoire de la démocratie.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire